Les Jardins

philosophiques

de Lombardie

à Hondainville dans l’Oise

Le présent site, créé au début de l’été de 2021 remplace un site ancien d’une douzaine d’années, à peine mis à jour depuis huit ans, et devenu très difficile à modifier ; ce site devenu inerte, et reflétant un état déjà lointain du jardin, demeurera toutefois accessible à son adresse antérieure = http://www.lombardie.fr

préface

Le maître Marc Fumaroli, de l’Académie française et de celle aussi des Inscriptions, venu déjeuner à la maison en 2007, a évoqué le jardin dans le courrier qu’il nous a envoyé quelques jours plus tard =

ACADEMIE FRANCAISE

Paris le 2.07.07

 Chers amis,

Je dois vous remercier pour les excellents moments passés à Lombardie, et vous présenter mes excuses d’avoir dû les écourter, ayant une étude à terminer dans la soirée et à envoyer, par courriel, le lendemain matin !

Je ne vous cache pas que j’ai été étonné (frappé du tonnerre) par l’étrange jardin auquel j’ai été initié par Stéphane. C’est un univers véritablement apotropaïque, destiné à éloigner tous les miasmes émanant de notre univers indemoniato, comme disent les Italiens, et à offrir un refuge intact aux âmes contemplatives. C’est le principe de Cassiciacum ou de Vivarium, mais transposé au jardin ! Clairvaux végétal ! Prodigieuse concentration du moyen âge monastique et du XVIIIe siècle des amateurs…

Merci de m’avoir fait part, même trop brièvement, de cette retraite platonicienne, leibnizienne, malebranchienne, rousseauiste et chrétienne, et de m’avoir donné l’excellent entretien de Stéphane sur votre œuvre commune.

J’aurais aimé en savoir davantage sur ces gens que je suppose avoir été vos prédécesseurs, les Bourgevin de Saint-Morys, dont vous reproduisez les portraits par Greuze. Mais je suis sûr que vous avez sur eux toutes les informations désirables ou disponibles.

Ravi d’avoir [rencontré ?] Sophie-Anastasie, je vous adresse à tous deux mes amitiés et mon admiration.

Marc Fumaroli

Nous n’eussions pu imaginer plus généreuse préface au présent site que ce courrier de l’immense savant que nous admirions tant.

Sophie-Anastasie et Stéphane Rials

description

Au pied d'une église inscrite à l'inventaire et d'une maison en lanterne construite entre 1767 et 1770 pour être le nouvel hôtel presbytéral du lieu - parfaitement documentée puisque vendue comme bien national en l’an VI -, les jardins de Lombardie sont de vastes jardins philosophiques architecturés, formels si l’on préfère, des jardins ordonnés à l’intelligible plus qu’au sensible, des jardins du disegno, du dessin et du dessein, du concept, ne consentant au sensible, à la profusion de la couleur, que des feuillages d’automne remarquables par leur abondance et leur diversité.
La clef philosophique principale de leur interprétation est donnée par l'obélisque de 25 pieds français de haut qui est implanté au milieu de la perspective qui semble s’imposer au début de la visite – obélisque dédié à Leibniz dont le nom est gravé dans la pierre accompagné des deux termes Monadologie et Théodicée qui tiennent une place centrale dans son système.
Les monades sont des unités spirituelles distinctes exprimant le monde sur le mode partiel d'une perspective et ordonnées aux autres monades selon une harmonie préétablie. La monadologie est ce système. La théodicée dit qu'il est le meilleur qui puisse être. Seul le dieu – un dieu ici jardinier, mais qui ne saurait être le jardinier humain lui-même… – connaît la totalité dont il a assuré l'heureux montage. A Lombardie, les nombreuses salles vertes forment autant de monades et le système de leurs perspectives, toutes spécifiques mais constituant, on peut l'espérer, une totalité satisfaisante, se veut l'humble représentation de l'universelle monadologie.
Ce propos d'expression de la totalité se retrouve dans le recours au thème humaniste du locus amoenus : Lombardie prétend apaiser l'âme par l'expression stylisée de la totalité du monde – opposition du monde civilisé et du monde sauvage, mise en place des grandes composantes du monde (la mer sous la forme d'étangs, la montagne réduite au vertugadin, l’eau qui dort dans les étangs et l’eau qui court, dévalant la modeste cascade…), etc.
Les jardins sont enfin ordonnés autour d'un troisième grand récit, celui du Vendredi Saint, non pas proféré lors de la visite, mais qui attire à lui et constitue en système le jeu des noms innombrables des objets végétaux et des lieux de Lombardie : l'on finit en effet par comprendre qu'ils sont structurés selon trois grandes croix – celle du mauvais larron, qui est bien entendu la plus belle, autour de l'obélisque, exprimant l'orgueil du monde, celle du bon larron, qui est la plus simple et s'étire entre le verger et le marais, celle du milieu dont on comprend quel est son sens en relevant qu'en sa plus longue barre, de deux cent cinquante mètres, elle prend son origine dans la perspective des anges, et est ultimement ordonnée, hors de l’espace physique du jardin, au clocher de l'Eglise symbolisant la Jérusalem céleste. C’est bien dans l’esprit de cette signification suprême que plusieurs ensembles de topiaires sont nommés dans le jardin : la Sainte Trinité, les deux Tables de la Loi [les dix commandements], les douze apôtres, les sept péchés capitaux, les sept vertus, les Béatitudes, la déchirure du voile du temple, etc. ; de même le sont des lieux ou chemins ou ponts - le Chemin de Damas, la route d'Emmaüs, l'Allée de la Première Alliance, le Pont de la Passion, etc.
Les jardins de Lombardie comportent quelques éléments architecturés et de fort modestes fabriques, de très nombreux ensembles de topiaire de charmes, d'ifs et de buis, une palissade de tilleuls en cours de reformation, ainsi que des jeux d'eau – étangs, ruisseaux [les deux cours du Lombardie], canaux et cascade. Ils sont prolongés par deux espaces sauvages dans le marais [l’abbaye aux Hommes, où se tiennent les béliers, et l’abbaye aux Dames, où les brebis vivent en compagnie du premier bélier]. Quelques rosiers et arbustes florifères ne font aucunement de Lombardie un jardin fleuri. Un verger structuré de dizaines d'espèces anciennes présente un certain agrément. Surtout, une collection d'arbres, assez importante, parvenus pour beaucoup, après vingt-cinq ou trente ans, à maturité – notamment érables variés, tulipiers, liquidambars, cyprès chauves… –, offre de très belles couleurs du 10 octobre au 10 novembre.
Quoi qu'il en soit, Lombardie est un jardin de l'esprit et non des sens - un jardin tentant de se tenir au plus près de l'Idée pure du jardin, si l'on veut, ou encore, pour ceux qui préfèrent, selon une longue tradition de la théorie des arts, puiser leur lexique dans l'art oratoire que dans celui, concurrent, de la dialectique [platonicienne], un jardin de la dispositio/taxis et non de l'elocutio/lexis ; je le souligne afin que nul qui viendrait ne fût déçu, les amateurs de jardins intelligibles, inévitablement plus austères que les jardins fleuris, n'étant pas, loin s’en faut, les plus nombreux.

 

caractérisation

Certains, hâtivement, évoquent un jardin français à cause des topiaires ; d'autre un jardin paysager anglais ; ni l'une ni l'autre qualification ne convient - jardin italianisant a parfois été risqué de façon plus adaptée peut-être ; toutefois, sous certains aspects, le jardin emprunte à diverses traditions jardinières, voire utilise des techniques identifiées par les amateurs = la perspective mouvementée est redevable ainsi, mais humblement, à une audace de Le Nôtre - le décentrement de la perspective par rapport au regard supposé souverain des maîtres du lieu en leur maison [à Chantilly ainsi] - et aussi à un subterfuge du landscape gardening tardif de l'âge Tory, alors que la modeste fortune des créateurs de jardin leur interdisait la maîtrise d'un espace considérable, comme à l'âge précédent du jardin Whig ; alors, faute de pouvoir bâtir, par exemple, un clocher dans leur assez étroit espace, ils allaient le chercher à l'extérieur et l'incluaient fictivement, par la vue, dans leur jardin - c'est ici le cas de "la Jérusalem céleste", qui est l'église du village, extérieure - bien entendu - aux murs du presbytère...

historique

Hondainville, bourg modeste situé au pied du massif de Clermont, à l’orée de la forêt de Hez-Froidmont, et au bord des marais de la moyenne vallée du Thérain, traversé d’ailleurs par les rameaux du Lombardie, affluent de cette rivière, abrite des jardins d'agrément utilisant la présence de l'eau depuis le XVIIe siècle au moins [laquelle favorisa aussi, anciennement et durablement, comme dans toute la vallée, une activité industrielle diversifiée, entièrement anéantie dans le dernier quart du siècle dernier, mais dont demeurent de très beaux vestiges intéressant en particulier l'habitat ouvrier] ; le mieux documenté de ces jardins dans le passé [par le plan de la seigneurie, vers 1740, mais il fut certainement amélioré encore par le conseiller de Grand'Chambre Bourgevin Vialart de Saint-Morys, dernier seigneur d'Hondainville, fameux collectionneur de dessins et homme de goût] est celui du château de la vallée, détruit sous la Révolution après avoir servi de prison au moment de la loi des Suspects, et reconstruit sous la Monarchie de Juillet, au milieu d'un jardin paysager dans l'esprit du milieu du XIXe, moins ambitieux que le jardin du milieu du XVIIIe, lequel était partiellement français et comportait aussi un agencement géométrique d'allées et de bosquets ; un autre jardin d'un grand intérêt fut aménagé au château haut, dit de Saint-Aignan, au milieu du XIXe siècle ; parmi les bois, remarquables par leurs essences [de nombreux pins Laricio en particulier, dont certains dominent toujours la vallée] créés par le dernier Saint-Morys, entre son retour d'émigration en 1803 et sa mort en duel en 1817, le Comte de Luçay, maître des requêtes au Conseil d'Etat et historien de très bonne qualité, aménagea un système hydraulique élaboré, qui faisait monter l'eau du Thérain jusqu'en haut de la raide colline, et la faisait descendre au fil de plusieurs bassins dont les restes demeurent bien visibles

C'est dans la fidélité à ce glorieux passé jardinier du lieu que les jardins de Lombardie ont été créés à partir de 1989 dans les marais de la moyenne vallée du Thérain. La surface actuelle a été obtenue par six acquisitions successives ayant porté progressivement le jardin de moins de cinq mille mètre carrés à six hectares et demi. La conception du jardin a donc dû se faire prospective afin qu'un suffisant sentiment d'unité ne soit pas rendu impossible par le caractère segmenté de la démarche. Le jeu des perspectives, la dominante des topiaires de charmes [plus de mille deux cents charmes taillés], associées à de nombreuses topiaires d'ifs et de buis, l'omniprésence de l'eau - exposant bien entendu les jardins à des inondations régulières, mais généralement partielles -, assurent une telle unité d'un point de vue strictement sensible, qui n'est donc pas celui qu'il faut ici privilégier. Mais c'est surtout en tant que jardins multinarratifs, intriquant plusieurs récits spéculairement unis les uns aux autres que les jardins de Lombardie trouvent une unité supérieure, d'ordre donc intelligible, manifestant ainsi par leur composition la puissante et fondamentale unité du divers.

visites

Les jardins n’accueillent pas de groupes et il n’est pas possible de les louer aux fins de quelque festivité que ce soit.

En 2023 deux visites guidées gratuites d’environ deux heures seront organisées en septembre et octobre ; les dates seront indiquées ci-dessous en août, en fonction en particulier, d’une part des perspectives “sanitaires” invoquées par les gouvernants et des contraintes pesant sur ceux qui ouvrent leur jardin à la visite, et d’autre part, bien sûr, de l'avancement des tailles, pour lesquelles les propriétaires sont très peu aidés ; il suffira de manifester son intention par un mot adressé à courrier@stephanerials.fr

Le nombre de participants à chaque visite est strictement borné à neuf ; la dangerosité de jardins de marais, où l’eau est partout présente, sous des formes diverses [et parfois piégeuses du fait des lentilles d’eau ainsi], impose une telle limitation, l’expérience l’a montré dans le passé.

Il va de soi que les jardiniers se refusent à exercer un contrôle “sanitaire” supposé de visiteurs qu’ils considèrent comme des invités ; s’il était requis d’eux qu’ils dussent poser des questions indiscrètes ou y répondre eux-mêmes, ou bien réclamer un document quelconque, ils suspendraient les visites..

NB = les jardins comportent d’assez nombreux bancs, bien visibles puisque peints d’une laque rouge, mais pas d’autres commodités ; un verre de cidre est offert à ceux qui le souhaitent à la fin

dates prévues à la fin de l’été et au début de l’automne 2024 =

à chaque fois le samedi ou le dimanche de quatre heures un quart à six heures un quart - heure d’été -, sauf mention particulière.

samedi 14 septembre [inscriptions closes]

samedi 5 octobre [inscriptions closes]

samedi 26 octobre

pour l’accès, voir les cartes après le carnet de photos ci-dessous

le parc du château d’Hondainville vers 1740

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Hondainville est située dans la moyenne vallée du Thérain, à proximité de Mouy, au sud du Massif de Clermont, que couvre en bonne partie la forêt domaniale de Hez-Froidmont / on pénètre dans le village à partir de la départementale 12 ; il convient de se garer place de l’église, de préférence sous les arbres qui se trouvent au nord-ouest de la nef

 

HORTULANA CLAVIS UNIVERSALIS

ÉLÉMENTS D’UNE NOMENCLATURE OU CARACTERISTIQUE GENERALE DES RESSOURCES DES JARDINS

par Stéphane Rials, jardinier

Le propos de cette simple énumération – constamment enrichie et affinée avec le souci toutefois d’assurer tous les regroupements possibles – est extrêmement simple. Il n’est pas de donner – à cette heure – un lexique : nous le ferons peut-être quelque jour. Mais de permettre à ceux qui souhaitent décrire un jardin – le leur par exemple – de bénéficier de la commodité d’un inventaire suffisamment réfléchi de possibles langagiers.
Il va de soi que la plupart de ces caractérisations sont susceptibles de plus ou de moins et qu’elles peuvent se compléter ou se combiner d’une façon qui n’est qu’apparemment contradictoire – la contradiction sur le papier étant levée dans l’inscription spatiale des divers aspects. C’est pourquoi il me semble utile, lorsqu’on les retient, de les assortir d’un indicateur d’intensité choisi parmi des valeurs allant de 1 à 5. Une valeur basse atteste généralement la présence de la particularité indiquée mais de façon secondaire ou partielle, ou bien la qualité médiocre du trait spécifique.
A titre d’illustration, nous caractérisons ci-dessous les jardins de Lombardie en portant en gras les termes pertinents.

COMPOSITION

jardin fortement composé (5)
jardin de composition originale (4)
jardin pluriel (2)

 

TYPE DE JARDIN

jardin anglais ou paysager de type Kent-Brown-Repton1 (2)
jardin anglais ou paysager de type Repton2-Knight-Price (pittoresque tardif) (2)
jardin anglo-chinois (2)
jardin architecturé (4)
- jardin aromatique, médicinal et de simples
- jardin botanique
- jardin clos (3)
jardin d’eau (5)
- jardin fleuri
jardin français (1)
jardin italianisant (3)
- jardin irrégulier
- jardin japonais
- jardin médiéval
jardin mixte (4)
jardin narratif (5)
jardin de nature (2)
jardin philosophique (5)
jardin de plantes de bruyères et d’ombre (2)
- jardin renaissance
jardin de senteurs (1)
- jardin en terrasses
- parc
- potager architecturé
roseraie (1) [v. infra pour roseraie comprenant un bâti]
verger architecturé [fruitiers en cordons, palissés ou en espalier] (2)

 

INSCRIPTION DANS LE SITE

jardin de site (3)
jardin inscrit dans un paysage campagnard (2)
jardin inscrit dans un paysage villageois (3)
jardin inscrit dans la dépendance d’un édifice dominant (3)
- vue

 

VÉGÉTAUX

- arbres anciens (3) ou très anciens [en gras la réponse]
arbres rares (3)
arbres à feuillages remarquables, par exemple en automne (4)
- arbres à tronc ornemental
bacs, caisses et pots d’orangerie (1)
grande variété d’arbres (3)
- autres végétaux remarquables

 

MISE EN FORME ET ARCHITECTURE VÉGÉTALES

allées, échappées, percées et perspectives (5)
- gazon remarquable
- labyrinthe
palissades, quinconces et rideaux (3)
- parterres et plates-bandes
reliefs artificiels, amphithéâtres, boulingrins, glacis et vertugadins (2)
- roseraie comprenant un bâti
salles vertes, cabinets et cloîtres de verdure, théâtre de verdure (4)
topiaire de hauteur (4)
topiaire d’appui (3)
- topiaire en broderie
topiaire individuelle (2)
topiaire de longueur (5)
- treille


TRAITEMENT DE L’EAU

bassins empierrés (2)
canaux (4)
cascades (2)
étangs, mares et bassins non empierrés (4)
- fontaines
- jeux d’eau élaborés
- miroirs divers
rus, ruisseaux et rivières (4)

 

CONSTRUCTIONS, EDICULES, MATERIAUX ET MOBILIER SPECIFIQUE

amphores, balustrades, gaines, gnomons, statues et urnes (1)
fabriques telles qu’obélisque, pagode, tente de tôle, pyramide, temple, gloriette, cénotaphe, ruines (3)
gabarits (4)
- grilles d’intérêt
- jardin d’hiver et serres
- mobilier de jardin remarquable
murs et murets (2)
orangerie, colombier, pigeonnier, ermitage, glacière, chaumière, pavillon (1)
pavages et cours aménagées (2)
ponts et passerelles (4)
- portes d’intérêt
- rochers et grottes
treillages, arceaux et pergolas (3)
- volière

 

CARACTÈRE HISTORIQUE

- jardin historique
- jardin reconstitué
- jardin historisant
jardin comportant des réminiscences (3)
jardin évocateur ou mettant en valeur un monument historique (3)